Mission consultative Ramsar – Moulouya
Mission consultative Ramsar – Rapport n° 71 : Moulouya, Maroc (2010)
Etabli par : Patrick TRIPLET, Mohammed DAKKI, Imad
CHERKAOUI, Maria J de LOPE & Alexia DUFOUR
Synthèse et liste des
recommandations
Inscrit sur la Liste de Ramsar le 15 janvier 2005 sous le
N°1478, le site de l’Embouchure de la Moulouya couvre une superficie de 4 500 hectares et se
situe au Nord-Est dans la province de Berkane et la province de Nador (Zone
littorale méditerranéenne entre Saïdia et le Cap de l'Eau), à cheval entre les
Communes de Ras El Ma (province de Nador), de Saïdia et Madagh (province de
Berkane).
Ce site fut inventorié dans le Plan Directeur des Aires
Protégées du Maroc (AEFCS 1996), où il est identifié comme Site d'Intérêt
Biologique et Écologique. Outre son importance pour le maintien de la diversité
biologique, il fournit des services écosystémiques essentiels, notamment comme
source de ressources naturelles et de revenus pour les populations locales
(activités agricoles et pastorales).
Dans le cadre de la mise en œuvre d'un large plan de
développement touristique lancé par le Maroc (Plan Azur), un complexe
immobilier, dit « projet FADESA », en
cours de développement sur la commune de Saïdia et adjacent au site Ramsar, a
généré des inquiétudes concernant les impacts possibles des aménagements
planifiés (bâtiments, terrains de golf, port de plaisance, extraction de
matériaux, prélèvements d’eau dans la
Moulouya, menaçant son débit environnemental, canal de protection contre les inondations,
traitement et déversement des eaux usées, route de contournement…) sur le site
Ramsar de l’embouchure de la Moulouya.
En raison de ces préoccupations, l'Autorité Administrative
Ramsar du Maroc a invité le Secrétariat à mener une Mission Consultative Ramsar
sur le site de l’embouchure de la Moulouya et la zone en cours de développement
(Saïdia) qui peuvent être affectées.
En réponse à cette demande, une Mission consultative Ramsar
a été mise sur pied et s’est déroulée du 12 au 16 octobre 2010. Elle s’est
composée d’une visite sur le terrain, d’analyses de documents mis à la
disposition des consultants, de discussions avec les communautés locales et de
rencontres avec des responsables du gouvernement aux niveaux national et local et des administrations concernées, et des ONG
locales actives sur le site de la Moulouya. Le détail du programme et le nom
des participants sont indiqués dans les remerciements et les annexes figurant
en fin de rapport.
La mission a été financée grâce au Fonds suisse pour
l'Afrique de la Convention de Ramsar.
L’expertise a abouti au constat suivant :
Le site de l’embouchure de la Moulouya a été d’une grande
richesse écologique. Bien qu’il ait conservé des potentialités, le
développement du complexe touristique adjacent a provoqué ou accéléré une série
d’événements et de comportements ayant conduit à une régression considérable de
la biodiversité. Bien que les valeurs paysagères et écologiques du site Ramsar
soient favorables à ce complexe touristique, on relève l'absence de toute
mesure compensatoire envers ces valeurs et la quasi-absence de dialogue entre
les acteurs concernés par la protection de l'environnement et les responsables
du complexe touristique.
La mission a donc établi des recommandations pour améliorer
la situation sur le terrain et réenclencher des processus de concertation. Elle
suggère également de mettre en œuvre le même type de démarche et de concertation sur les zones où des développements
touristiques similaires vont être conduits à proximité immédiate de sites
Ramsar. Enfin, la mission reconnaît les efforts déjà accomplis pour mettre en
œuvre la Convention et encourage le gouvernement marocain sur cette voie de
façon à ce que le Maroc puisse faire bénéficier d’autres pays de son expérience
en matière de gestion des sites Ramsar.
Les recommandations
proposées dans le cadre de cette mission
Recommandations d'ordre
institutionnel
Recommandation 1a : Mettre en place un statut de
protection du site, conformément à la loi 22-07 sur les aires protégées,
incluant une zone tampon dans laquelle seules des activité d’exploitation des
ressources renouvelables sont autorisées. De préférence, l’aire protégée et le
site Ramsar doivent avoir les mêmes limites.
Recommandation 1b : Réviser, actualiser et valider le
plan de gestion du site, y compris son budget, et le mettre en œuvre.
Recommandation 2a : Nommer une structure, responsable
de cette aire protégée, chargé du suivi et de la mise en œuvre de la gestion
sur la base du plan de gestion et lui donner reconnaissance et les moyens
(institutionnels et financiers) nécessaires pour remplir se fonctions. Définir
clairement les rôles et responsabilités de chacun des acteurs du site.
Recommandation 2b : Mettre en œuvre des mécanismes de
concertation avec tous les usagers, par la mise en place d’un comité de gestion
de l’aire protégée, selon le décret d’application de la loi sur les aires
protégées. Un comité transitoire pourrait être créé, afin de contribuer à la
mise en place de l’aire protégée et à l’élaboration de son plan de gestion. Ce
comité transitoire pourrait être une émanation de l’Observatoire de
l’Environnement, structure qui doit être créée au niveau du gouvernorat en
2011.
Recommandation 2c : Négocier avec les complexes
touristiques la prise de mesures compensatoires aux impacts directs et
indirects sur le site Ramsar des constructions réalisées dans le cadre du
« projet FADESA » et des ouvrages connexes
tel que le canal de protection du complexe touristique. Imposer des études d’impact pour tout projet
d’extension même si celui-ci se situe à l’extérieur du site Ramsar. Cette
recommandation vient en conformité avec la signature de la convention du 27
août 2003, dans laquelle FADESA Maroc s’est engagé à préserver l’environnement.
Recommandations d'ordre
écologique
Recommandation 3a : Avant que la STEP ne soit
réalisée, définir un plan de réutilisation de l’eau traitée au profit de l’agriculture, des terrains de golf, des
espaces verts ou de la biodiversité des zones humides et de leur attrait
touristique et éducatif : réhabilitation de certains marais, adoucissement de
la nappe locale, réaménagement du nouveau canal afin qu’il soit attractif pour
les oiseaux.
Recommandation 3b : Lorsque la STEP sera fonctionnelle, rendre publiques
les données de traitement afin de dissiper tout doute concernant la qualité des
eaux rejetées.
Recommandation 3c : Mettre en place, avant la
réalisation du plan de gestion, des ouvrages simples de gestion de l’eau
destinés à maintenir les fonctionnalités de la zone humide (ouvrages de
rétention, amélioration de la circulation de l’eau…) sur les chenaux
d’évacuation des eaux, si nécessaire.
Recommandation 4a : Recréer et renforcer le cordon
dunaire situé au droit du bras mort, suivant la méthode de ganivelles, et en
favorisant les essences locales, et en canalisant les accès à la plage.
Recommandation 4b : Prendre des mesures de
conservation et de réhabilitation de la
juniperaie : éliminer progressivement les eucalyptus et soutenir l’expansion
des espèces locales, notamment le Genévrier.
Recommandations de gestion
de la fréquentation et des activités humaines
Recommandation 5a : Améliorer et faciliter
l’accessibilité à la plage depuis la ville pour décongestionner le rivage du
site Ramsar.
Recommandation 5b : Restaurer et rénover l’ensemble
des équipements destinés à canaliser le public sur le site Ramsar, et fermer
certains cheminements.
Recommandation 5c : Organiser l’accueil sur les
parkings afin de dégager des moyens de financer des postes d’écogardes chargés
d’assurer la surveillance et la propreté du site. Cette mesure doit être mise
en place avec la municipalité de Saïdia et passe par la création d’un fonds à
partir des recettes engendrées par le stationnement des véhicules. Le
gestionnaire de l’aire protégée devra veiller à la bonne exécution de ce
dispositif.
Recommandation 5d : Mener des actions d’information
et de sensibilisation envers les touristes fréquentant le site afin qu’ils
adoptent un comportement respectueux du site, mesure pouvant être mise en place
par le gestionnaire et par les associations spécialisées installées dans la
zone.
Recommandation 5e : Mettre en place les moyens de
créer un centre d’éducation à l’environnement
dans le cadre d’un projet intégré d’éducation et d’écotourisme. Cette construction devra être réalisée en
dehors du site Ramsar et respecter les normes environnementales.
Recommandation 5f
: Mettre en place un dialogue avec les populations locales afin de les sensibiliser
à un usage durable des ressources, notamment pour ce qui concerne les eaux de surface,
la pêche, l’extraction de sable, l’irrigation et sur les avantages qu’ils
peuvent tirer de la protection du site.
Recommandation 5g : Développer avec et pour les
populations locales des activités nouvelles,
génératrices de revenus et basées sur une exploitation durable des ressources naturelles
(guidage, promenades en bateau….) et poursuivre les efforts déjà engagés dans
ce domaine, notamment avec les pêcheurs.
Recommandation 5h : Transformer la rocade en route
verte, à vitesse limitée, avec clés de lecture du paysage.
Recommandation 5i : Revoir l’implantation et la
taille des panneaux, en particulier ceux de signalisation du site Ramsar.
Recommandations relatives
à la recherche scientifique
Recommandation 6a : Effectuer des études
complémentaires sur les quantités et la qualité des eaux de surface traversant
le site, en particulier, établir une simulation de l’impact des eaux salées sur
le fonctionnement du système. Veiller à respecter le débit environnemental de
la Moulouya afin de ne pas compromettre le fonctionnement des écosystèmes du
site Ramsar.
Recommandation 6b : Actualiser l’ensemble des données
sur la biodiversité (faune, flore et habitats) du site et comparer les
résultats avec ceux des recherches précédemment menées et mettre en place des
procédures de suivi dans le cadre du plan de gestion.
Recommandations au niveau
national/régional
Recommandation 7a : Prendre en compte, dans les projets
de développement, la proximité des sites Ramsar et veiller à leur conservation,
voire à leur mise en valeur par le développement d’activités de découverte et
de sensibilisation du public.
Recommandation 7b : Valider, dès que possible, sur la
base des documents déjà rédigés et actualisés, une stratégie nationale de
préservation des zones humides.
Recommandation 8a : Intégrer dans la révision de la
Fiche Descriptive Ramsar (FDR), en 2011, les nouveaux éléments relatifs au site
(données biologiques, écologiques, économiques…).
Recommandation 8b : Renforcer les fonctions de
l’actuel comité national Ramsar afin qu’il puisse :
- Examiner la situation de chaque site, en particulier les
sites soumis ou susceptibles d’être soumis aux mêmes pressions et problèmes que
le site de l’embouchure de la Moulouya.
Appliquer l’expérience acquise lors de la gestion du cas du
site de la Moulouya à d’autres sites dans le même cas de figure, par exemple
les sites adjacents à une des stations du plan AZUR ;
- Actualiser les 24 Fiches Descriptives Ramsar (FDR),
proposer des mesures conservatoires si nécessaire ;
- Stimuler la concertation locale par la mise en place de
comités de gestion locaux ;
- Définir un processus de communication clair entre
gestionnaires de site Ramsar et Autorité
Administrative Ramsar de façon à ce que l’Autorité Administrative
soit informée de toute modification survenue ou susceptible de survenir sur le
site et que les gestionnaires soient informés de toute nouvelle action
nationale ;
- Suggérer la désignation de nouveaux sites Ramsar.
Le site Ramsar de l’embouchure de Oued Moulouya. |
Le site Ramsar de l’embouchure de Oued Moulouya! |
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