L’impact environnemental du tourisme : cas de Smir et de la Moulouya

Dans leur article « Tourisme, territoire et environnement sur la côte méditerranéenne du Maroc » publié dans "Cahiers de la Méditerranée" en 2010, les chercheurs espagnols Eduardo Araque Jiménez et José Manuel Crespo Guerrero ont discuté l’impact environnemental du tourisme au nord du Maroc en donnant trois exemples : la zone humide de Smir, l’embouchure de l’Oued Moulouya et la forêt de Cabo Negro (Tétouan). Ci-dessus quelques extraits de textes concernant les deux zones humides :

« Le point le plus controversé de l’urbanisation massive du littoral méditerranéen jusqu’à nos jours est celui du coût environnemental et paysager à payer. Le développement rapide de ce processus, aidé par une conjoncture politique favorable et par une perspective de gains faciles, a relégué à un second plan toute tentative de planification territoriale et environnementale préalable à l’occupation du sol. Ce fait a exacerbé les tensions et les conflits sociaux provoqués par l’urbanisation massive du littoral, et chaque jour de plus en plus de voix s’élèvent contre ce que Béatrice Giblin a qualifié de « bétonisation » du littoral....

Nous n’allons pas passer pour autant sous silence des situations où les relations entre tourisme et environnement montrent leur antagonisme et leurs plus profondes contradictions. Le cas des marais et de la lagune de Smir est le plus révélateur. Ils sont situés dans l’épicentre de l’une des zones côtières les plus dynamiques d’un point de vue urbanistique. Les transformations de cet endroit côtier singulier ont commencé en 1991, c’est-à-dire bien avant l’escalade du tourisme. L’inauguration en 1991 du barrage de Smir, à la source du fleuve du même nom, a réduit drastiquement les apports d’eau douce au marais et à la lagune, et qui sont ainsi passés de 25 hm3 à 1 hm3 par an. Ce phénomène a réduit de 50 % la superficie de ces espaces humides, comme on peut le démontrer grâce aux analyses photographiques réalisées à partir des images antérieures et postérieures à la date de l’inauguration du barrage. À partir de la création de cette infrastructure hydraulique, les apports principaux hydriques que la zone humide a reçus ont été ceux des eaux résiduelles originaires de la localité voisine de M’diq, qui arrivaient à la lagune sans épuration préalable, provoquant ainsi une augmentation notable du niveau d’eutrophisation.

La construction du port de plaisance et du complexe résidentiel de Smir, près de l’embouchure du fleuve, ont entraîné la disparition de la barre sablonneuse et du système dunaire, qui agissaient comme bastions contre le processus d’inondation marine, affaiblissant ainsi la résistance naturelle aux assauts des tempêtes et favorisant la salinisation progressive des eaux de la lagune. Ce phénomène a été accompagné par un recul de la population végétale des marais et par une avancée significative des plantes halophytes. Il a provoqué, aussi, la réduction des colonies d’oiseaux, qui utilisaient la lagune comme lieu de nidification ou de repos dans leurs migrations.

Une autre zone humide, qui a subi beaucoup de transformations, est l’embouchure du fleuve Moulouya, qualifiée par le Gouvernement marocain en 1996 de Zone d’Intérêt Biologique et Écologique, et incluse en 2005 dans la Convention relative aux Zones humides d’importance internationale particulièrement comme habitats des oiseaux d’eau (RAMSAR). L’embouchure du fleuve Moulouya constitue le plus grand estuaire du pays ; de nombreux oiseaux y nidifient et s’y reposent, chaque année. Les menaces qui pèsent sur cet endroit viennent de la création d’une station de pompage de l’eau du fleuve et d’un collecteur d’eaux résiduelles pour arroser les terrains de golf du complexe touristique Saidia Mediterranea, ainsi que de la construction de la future autoroute qui doit diviser l’espace. La Plateforme écologique du nord de Maroc s’en est fait l’écho ».

Araque Jiménez, E. & Crespo Guerrero, J.M. 2010. Tourisme, territoire et environnement sur la côte méditerranéenne du Maroc. Cahiers de la Méditerranée, 81: 331-348.


Embouchure de la Moulouya

Embouchure de la Moulouya (

Wikimedia Commons)


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