Le bétonnage du littoral s'accélère


Le projet de loi sur le littoral, rédigé et remanié plusieurs fois depuis le début des années 1990, a été validé en juillet 2009 par le conseil des ministres. Cependant, il tarde à être adopté par le Parlement.
Une course contre la montre est en train de se lancer ces dernières années pour le bétonnage des zones côtières. Sur les deux côtés atlantique et méditerranéen, les projets immobiliers se multiplient.
Entre Asilah et Tanger, au niveau par exemple de la zone de Tahaddart, des constructions touristiques voient le jour détruisant une partie de la zone humide. Du côté de Saïdia, c'est la privatisation des plages qui gagne du terrain, privant les Marocains d'un bien public. «Aujourd'hui, des familles et des touristes de passage sont interdits d'accès aux plages situées devant les hôtels cinq étoiles. Nous avons alerté l'opinion publique sur ce danger de privatisation depuis fort longtemps, mais les citoyens n'y avaient pas cru. Voilà, c'est fait», proteste Mohamed Benata, président de l'Espace de solidarité et de coopération de l'Oriental (ESCO). Cette offensive contre les zones côtières profite de l'absence d'un cadre juridique adéquat. Le projet de loi sur le littoral a été rédigé et remanié plusieurs fois depuis le début des années 1990 avant d'être validé en juillet 2009 par le conseil des ministres. Cependant, il tarde à être adopté par le Parlement.
Pour Samira Idllalène, spécialiste du droit de l'environnement à la Faculté polydisciplinaire de Safi, la gestion de cet espace maritime fragile devra faire recours aux instruments juridiques modernes, dont certains ont été intégrés au projet de loi sur le littoral. Ce dernier met l'accent sur la planification tout en évitant l'approche juridique étroite (notamment sur le plan de la définition du littoral, car le défi est comment faire entrer une entité «naturelle» dans une catégorie juridique).
«Au nord de Safi, les constructions sont désormais autorisées sur la falaise. La loi sur le littoral devra interdire ce genre de constructions. Il y a des principes de base à respecter : l'aménagement en profondeur, le principe de précaution, l'approche écosystémique, l'adaptation, sans compter les sanctions pénales en cas de constructions sur une bande de 100 m au moins à partir du rivage. Il va aussi falloir modifier la loi sur le domaine public maritime (dahir de 1914 sur le domaine public et le dahir de 1918 sur les occupations temporaires du domaine public, etc.). La loi doit s'inscrire dans une vision intégrée en prenant en compte l'aménagement de l'espace selon une véritable stratégie à long terme », explique Samira Idllalène.
D'autres voix s'élèvent pour alerter l'opinion publique et rappeler les engagements internationaux du Maroc en matière de gestion du littoral. « A l'heure où le Maroc a signé le Protocole sur la gestion intégrée des zones côtières (GIZC), à Madrid en janvier 2008, protocole considéré comme un instrument important de la Convention de Barcelone de 1976, l'arsenal juridique national continue à souffrir de l'absence notoire d'une loi spécifiquement dédiée à la frange littorale ».
Un projet de texte existe bel et bien au niveau du circuit officiel d'adoption, mais tarde à voir le jour, et ce, depuis plus d'une décennie et demie. Un déficit juridique qui permet, à notre sens, de continuer à « agresser » un ensemble d'écosystèmes littoraux, voire à les fragiliser, a souligné Larbi Sbai, spécialiste du droit de l'environnement marin et côtier marocain. Et d'ajouter : « Et sans vouloir édulcorer les propos de ce constat désolant, il est important de noter cependant que ‘'le Royaume des deux mers'' garde toujours l'opportunité inégalée de sauvegarder les espaces du littoral non encore touchés par les différentes actions humaines.
La volonté politique existe, et au plus haut niveau de l'Etat, si l'on se réfère au projet de loi-cadre sur l'environnement et le développement durable. Encore une occasion à ne pas manquer pour protéger une zone hautement convoitée ».
Gestion intégrée des zones côtières
Le programme d'Actions prioritaires à court et moyen termes pour l'environnement (SMAP) a été adopté, lors de la conférence ministérielle euro-méditerranéenne d'Helsinki en 1997. Coordonné par la Commission européenne et basé sur les orientations politiques établies par la Déclaration de Barcelone et son programme de travail, il est considéré comme un cadre donnant une expression pratique au partenariat euro-méditerranéen en matière d'environnement.
SMAP a pour objectif la promotion d'une utilisation plus durable des zones côtières méditerranéennes à travers la mise en place de Plans d'action de gestion intégrée des zones côtières (GIZC). 
La GIZC vise à rapprocher les diverses politiques ayant une incidence sur les zones littorales. 
Cette approche concerne à la fois la planification et la gestion des ressources côtières et de l'espace côtier, et elle doit être intégrée verticalement (nécessité de rapprocher les responsables politiques).

Repères
Charte : La Charte communale permet aux élus d'avoir un rôle important à jouer dans la gestion du littoral
Domaine : Le dahir de 1914 ne précise pas si le domaine public maritime se déploie jusqu'à la mer territoriale, cette notion n'est apparue en droit marocain que bien plus tard.
Accord : Il existe aujourd'hui un accord international sur la définition de la gestion intégrée des zones côtières.

Par Rachid Tarik | LE MATIN
Publié le : 22.01.2012
L'offensive contre les zones côtières profite de l'absence d'un cadre juridique adéquat. (Photo copyright: Le Matin)

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